Son nouveau roman va encore faire grincer des dents...
Cinglant à contre-courant des modes et du politiquement correct
Michel Houellebecq. provocateur ou pitoyable obsédé sexuel ?


Michel Houelbecq a beaucoup voyagé, publié plusieurs ouvrages et confectionné un nouveau cocktail incendiaire,
ironiquement intitulé Plateforme.

Ce roman ultracontemporain a pour fil directeur les amours d'un comptable du ministère de la Culture
et d'une cadre supérieure dans un grand groupe hôtelier.
Hélas! au lieu de roucouler entre les boîtes S/M et les clubséchangistes, les deux tourtereaux ont la funeste idée
de développer une chaîne internationale de villages de vacances sexuelles...
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On n'ose dresser la liste des ennemis que Houellebecq va réussir à s'attirer en 370 pages :
adversaires de la prostitution, féministes, associations caritatives, droits-de-l'hommistes, musulmans,
sans compter une brochette d'organes de presse et d'éditorialistes nommément désignés...

Autant de sujets abordés avec lui dans son hôtel du quartier des Halles, à Paris
(il y a ses habitudes parce que les salles de bains sont équipées de jets de vapeur...),
puis dans un restaurant voisin. Fumant comme un sapeur, buvant comme un trou, il tient paisiblement des propos scandaleux.
Il parle aussi volontiers de Schopenhauer et de Kant, ses maîtres à penser, que des émissions de télévision les plus ineptes.
Et il décrit notre monde moderne, glacé, inhumain, tel qu'il l'observe depuis l'île irlandaise
où il s'est reconstitué un univers avec sa femme et son chien.
Sa vision des choses n'appartient qu'à lui, il revient de manière obsessionnelle sur un certain nombre de thèmes,
et il est incapable d'aborder le sujet le plus banal sans y mettre un brin d'originalité et une incroyable franchise.
C'est pourquoi, en écoutant ses réponses bredouillées, entrecoupées de «bof», de «euh» et de «oui, oui»,
l'interviewer a l'impression de sortir du journalisme littéraire habituel pour s'immiscer sur la pointe des pieds dans l'histoire littéraire.


rencontre comparatif

Je me suis remis à écrire au tout début 2000, à l'occasion d'un séjour en Thaïlande.
En fait, je ne me déplace pas spécialement pour écrire...
j'écris sur des endroits où je suis déjà allé avant.
Je ne sais même pas à quoi ça me sert d'y retourner, puisque je ne visite rien. Je ne sors pas de ma chambre.
Mais le fait d'être sur place m'aide...
Il y a un dépaysement fort, une relativisation certaine des enjeux.
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Aujourd'hui, avec votre notoriété, vous ne pouvez plus vous inscrire dans un voyage organisé comme celui que vous décrivez dans Plateforme.
M.H. Si, je vais retourner dans un club Eldorador la semaine prochaine...
mais je pense que ce sera la dernière fois. Effectivement, il arrive que des touristes me reconnaissent à l'étranger.

Ç a me surprend toujours... Je ne dois pas avoir une mémoire visuelle extrêmement forte.
Ma femme reconnaît souvent des acteurs dans la rue.
Moi, jamais. La seule personne que je reconnaisse, c'est Patrick Poivre d'Arvor.
Mais je m'aperçois que la plupart des gens sont plus doués que moi.
Enfin... ça va... ça reste à un niveau raisonnable.
Quoi qu'il en soit, vous allez désormais avoir du mal à observer les gens autour de vous, à noter leurs conversations.
Vous n'êtes plus protégé par l'anonymat.
M.H. Oui... C'est peut-être pour ça que je suis obligé d'écrire des livres qui se passent à l'étranger.
C'est une raison mesquine, mais réelle.
Plateforme, donc, est situé en partie à l'étranger et traite à la fois du tourisme sexuel et de l'Islam.
Vous cherchez franchement les sujets qui fâchent?
M.H. Je ne les cherche pas, je tombe dessus. A l'intersection de ces deux sujets, il y a quelque chose qui m'a beaucoup frappé:
c'est de voir des touristes arabes à Bangkok.

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Je ne m'y attendais pas du tout... Je m'imaginais bêtement que les musulmans étaient tous de bons musulmans.
Quand on parle de l'Islam, on pense toujours au sort des femmes.
Et tout à coup je me suis aperçu qu'il y avait aussi beaucoup d'hommes qui se faisaient horriblement chier dans les pays arabes.
Contrairement à l'image qu'on en a, beaucoup d'entre eux n'ont pas la foi et vivent dans la plus totale hypocrisie.
Quand ils viennent en Thaïlande, ils sont encore beaucoup plus frénétiques que les Occidentaux dans leur quête du plaisir.
Ça a été le point générateur du livre.



Et puis je me faisais une idée tout à fait fausse du tourisme sexuel.
Je croyais que c'était surtout de gros Allemands âgés,
et j'ai découvert qu'il y avait beaucoup d'Anglo-Saxons jeunes.

J'ai eu une espèce d'intuition... à savoir que pour les Anglo-Saxons, la sexualité est une activité réservée aux vacances.
Le reste de l'année ils travaillent beaucoup... ils n'ont pas le temps... et puis c'est trop difficile avec les Anglo-Saxonnes.
Elles sont tellement chiantes, tellement compliquées. Si ces gens n'arrivent plus à faire l'amour,
c'est parce qu'ils sont trop prisonniers de leur individualité. Un élément de méfiance s'est installé, et avec lui une espèce d'impossibilité.
Il y a trois ans, lors de la sortie des Particules élémentaires, vous aviez pourtant déclaré à Lire que vous en aviez fini avec le sexe.
M.H. Ah oui? Eh bien je m'étais trompé... C'est un peu dommage, parce que je comptais vous dire la même chose cette fois-ci!
Le sexe, en somme, est votre marque de fabrique? Et vous, vous réussissez à faire scandale,
bien que les notations d'une extrême crudité soient devenues monnaie courante dans les romans français? Comment faites-vous?
M.H. J'ai une hypothèse immodeste: je suis meilleur que les autres dans les scènes de sexe. Les miennes paraissent plus vraies.
A mon avis, c'est lié au fait que je décris les sensations et les émotions, alors que les autres se contentent de nommer différents actes.
Chez mes collègues, c'est plus fantasmatique. Chez moi, on a une impression de réalité retranscrite.
En général, ce sont les femmes que vous choquez le plus.

Est-ce dû à votre approche masculine de la sexualité?

M.H. Euh... Je crois que les femmes sont plus faciles à choquer, de toute façon.

Au fond, vous êtes un provocateur?

M.H. Je ne sais pas si c'est une bonne chose de choquer... En tout cas, c'est une source d'emmerdements. Mais je me suis plutôt calmé...
Vous trouvez! Plateforme est tout de même une apologie de la prostitution!

M.H. Ah oui! Mais ça, j'assume à fond parce que je sais que j'ai raison. La prostitution, je trouve ça très bien.
Ce n'est pas si mal payé, comme métier...
En Thaïlande, c'est une profession honorable. Elles sont gentilles, elles donnent du plaisir à leurs clients,
elles s'occupent bien de leurs parents.
En France, je sais bien qu'il y a des oppositions, mais je suis pour une organisation rationnelle de la chose,
un peu comme en Allemagne et surtout en Hollande.
A mon avis, la France a une attitude stupide.

Vous êtes tout de même partisan de certaines barrières? Contre la pédophilie, par exemple ?

M.H. Oui, oui, bien sûr. Je n'ai jamais été pour. Mais j'ai pourtant bien cherché en Thaïlande, et je n'ai rien trouvé.
Je crois d'ailleurs que le pays n'est pas conseillé aux pédophiles, ou qu'il ne l'est plus.
Les massages thaïlandais sont un moyen d'analyser ce que vous appelez la «névrose occidentale».
Michel, votre personnage principal, parle à un moment de son «immense mépris pour l'Occident».
M.H. C'est ce que je ressens depuis deux ans... Ça m'a pris d'un seul coup. En observant le tourisme sexuel en Thaïlande,
compte tenu de l'opprobre qui entoure cette activité en Europe, on se dit que les Occidentaux sont vraiment des cons

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M.H. La vengeance est un sentiment que je n'ai jamais eu l'occasion d'éprouver.
Mais dans la situation où il se trouve, il est normal que Michel ait envie qu'on tue le plus de musulmans possible... Oui... oui, ça existe, la vengeance.
L'islam est une religion dangereuse, et ce depuis son apparition. Heureusement, il est condamné.
D'une part, parce que Dieu n'existe pas, et que même si on est con, on finit par s'en rendre compte. A long terme, la vérité triomphe.
D'autre part, l'Islam est miné de l'intérieur par le capitalisme. Tout ce qu'on peut souhaiter, c'est qu'il triomphe rapidement.
Le matérialisme est un moindre mal.
Ses valeurs sont méprisables, mais quand même moins destructrices, moins cruelles que celles de l'islam.

Vous n'avez donc aucune aspiration spirituelle?

M.H. Honnêtement, le désir de transcendance ne doit pas être très violent chez moi. J'ai été fortement marqué par ma formation scientifique.
Je crois à l'importance de la preuve.
L'explication scientifique des mystères de la vie vous suffit?
M.H. Elle est désagréable, mais elle est tellement convaincante. D'ailleurs, mes romans ont en commun avec la méthode scientifique leur côté expérimental.
Mes personnages sont un peu des expériences que je fais avec mon cerveau, il y en a qui marchent, qui se développent bien, et d'autres qui ne marchent pas.
Là, dans ce roman, je trouve que Valérie est plus intéressante que les autres. Je l'aime... j'ai eu beaucoup de mal à la quitter...

Valérie et tous vos personnages sont des gens ordinaires, des salariés comme il y en a des millions en France.
M.H. Les gens que j'ai fréquentés depuis que je suis devenu connu m'ont moins intéressé que les gens moyens.
De toute façon, même si j'avais eu envie d'écrire sur le monde fashion, Bret Easton Ellis m'en aurait détourné.
Il a fait ça très bien, ce n'est pas la peine que je répète la même chose. De même, je ne me suis jamais passionné pour les marginaux.
A mon avis, c'est une insuffisance de ma part: un écrivain idéal, comme Balzac, va partout. Mais... mais...
à un moment donné, il m'a paru spécialement opportun de m'intéresser aux classes moyennes. Age moyen, situation sociale moyenne...

Une opinion majoritaire me paraît toujours intéressante, quelle qu'elle soit.
Dès que je vois un sondage avec des pourcentages, je saute dessus!
C'est presque une maladie, quoi...
On a du mal à vous croire quand vous écrivez: «Les questions politiques [...] ne sont pas mon fait.»
Non seulement vous prenez systématiquement le contrepied des idées dominantes,
mais vous attaquez nommément certains journalistes.
M.H. Cela va dans le sens de l'effet de réel, que j'ai énormément travaillé dans ce bouquin.
J'adore quand Dostoïevski mentionne tel ou tel publiciste complètement oublié dans ses romans.
J'aime beaucoup lire les notes en fin de chapitre,
j'ai l'impression de plonger dans un univers que je ne connaîtrai jamais: la Russie en 1864.
Et puis, c'est vrai, j'aime bien me foutre de la gueule de certains journaux...
Au nom de quoi les journalistes de gauche peuvent-ils parler de politique,
eux qui n'ont jamais rien produit? Ils ne savent rien faire, ils sont incapables de fabriquer une table.
Leurs positions politiques sont non seulement ridicules mais agaçantes.

On peut donc vous classer à droite?
M.H. Oh non... Je ne me sens pas non plus de droite, parce que les gens de droite
que j'ai rencontrés ne m'ont pas convaincu du bien-fondé de leur supériorité naturelle.

Enfin... je suis peut-être de droite au fond. Mais je la trouve trop insolente avec les producteurs.
Je n'ai jamais vraiment dépassé cette constatation qu'il y a des gens qui travaillent et d'autres qui ne font rien.
Tout de même, vous tapez davantage sur les idées de gauche que sur les idées de droite.
M.H. Mais il n'y a pas d'idées de droite!

Vous écrivez aussi: «L'humanitaire me dégoûte.»
M.H. Bien sûr qu'il y a des victimes dans les conflits du tiers monde, mais ce sont elles qui les provoquent.
Si ça les amuse de s'étriper, ces pauvres cons, qu'on les laisse s'étriper. Les nationalistes sont des primates.
Si les gens sont suffisamment cons pour rêver à une Grande Serbie, qu'ils meurent, c'est ce qu'ils ont de mieux à faire.
Et les coupables ne sont pas les dictateurs, ce sont les individus de base qui ne pensent qu'à se battre.
Ils aiment avoir un fusil entre les mains, ils aiment tuer, ils sont mauvais.
Quelqu'un qui prend une arme pour défendre une cause, quelle qu'elle soit, me paraît essentiellement méprisable.
J'ai une grande admiration pour les Thaïs qui ont évité de se mêler de toutes les guerres qui les entouraient.

Parfois, il faut bien se défendre?
M.H. Moi, je dirais non. Enfin, oui... oui... il faut bien se défendre. Mais aucun belligérant n'aura jamais ma sympathie.
Il y a chez eux un tel plaisir de tuer. Ils sont essentiellement grotesques.
Quand vous décrivez la violence des banlieues, et en particulier la ville nouvelle d'Evry,
cernée par des hordes de barbares, vous tenez un discours «sécuritaire».

Partagez-vous l'admiration des Français pour le général de Gaulle ?

M.H. Euh... quand j'étais jeune, il m'énervait beaucoup. Non... finalement... j'ai plus de sympathie pour Pétain!
Je trouve ça facile d'aller faire le malin à Londres sans affronter les difficultés réelles du pays.
Je n'aurais certainement pas été collaborateur, mais pas du tout pour des raisons idéologiques.
La moitié de mes amis sont juifs, et je pense qu'il en aurait été de même à l'époque, parce que les juifs sont plus intelligents et plus intéressants que la moyenne.
Je ne sais pas à quoi c'est dû, mais c'est comme ça. Non, au fond, je crois que j'aurais été un collaborateur essayant de sauver des juifs,
mais je n'aurais pas été à l'aise... Je ne suis pas plus courageux que les autres... même plutôt moins.
On croise beaucoup d'Allemands dans Plateforme, comme dans Lanzarote, le récit que vous avez publié l'an dernier.

On dirait que c'est le peuple qui vous est le plus sympathique?

M.H. Oui... oui... nettement. Ils sont vraiment intéressants.
Ce sont les plus tristes, ce qui doit sans doute dater du nazisme.
Je vais employer un cliché, mais après tout les clichés sont souvent vrais:
il y a chez les Allemands une réelle inquiétude métaphysique à laquelle je suis sensible, jointe, ce qui est moins connu,
à un réel goût pour la vie. Ils sont très sexuels, mais pas égrillards.
C'est quelque chose qui m'a toujours exaspéré chez les Français:
cette passion pour les conversations sexuelles. Les Allemands agissent plus.
Ah bon?

M.H. Si, si, croyez-moi! Et puis ils aiment beaucoup rire. Ils n'ont pas d'humour du tout, mais ils ont une tradition burlesque.
En discutant avec eux, j'ai des bribes d'allemand qui me reviennent. C'était ma première langue au lycée,
mais j'ai arrêté pour les mêmes raisons que tout le monde: il faut bien dire que ça ne sert à rien.
Enfin... oui, j'ai un goût pour l'Allemagne... et ils me le rendent bien, d'ailleurs.

Vous les préférez aux Français?

M.H. Bof... oui... Les Français m'énervent un peu avec leur volonté d'être à la mode.

En fait, je trouve qu'ils sont encore plus soumis aux Américains que les autres pays d'Europe.
Par exemple, j'ai été frappé de voir que les élections américaines... Bush-Gore... étaient beaucoup plus couvertes en France qu'en Irlande,
alors que les Irlandais ont tous de la famille là-bas. Les Français se comportent vraiment comme les valets d'une portion de l'Empire.
Une autre initiative m'a plongé dans la stupéfaction: ces pétitions faites en France contre la peine de mort aux Etats-Unis.
C'est hallucinant! Les Français sont si vaniteux qu'ils ne veulent pas être en dehors de ce qui se passe, et aujourd'hui tout se passe aux Etats-Unis.
Vous n'avez pas l'air d'apprécier ce pays! Pourtant, on vous imagine assez bien leur consacrer un roman.
M.H. Oui, je m'imagine bien aussi. Si j'étais courageux, effectivement, j'irais vivre aux Etats-Unis puisque c'est le pays qui me déplaît le plus.
C'est très désagréable... je m'y sens mal tout le temps. Mais vous avez raison. Après l'Irlande, j'irai peut-être m'installer à Los Angeles.
Il faudrait que j'en parle à ma femme...



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